C’était par un début d’après midi d’Automne, cela faisait déjà plusieurs années que je vivais en nomade solitaire, traversant le Pays de
village en village. Ce jour là, le ciel était plutôt dégagé, seulement maculé de quelques traînées laiteuses et des toutes petites
taches noirs des oiseaux migrateurs fuyants la région pour trouver une terre plus clémente ou passer l’hiver.
Le sentier rampait ainsi qu'une couleuvre dans les Landes caillouteuses recouvertes d’herbes sèches, arborant des teintes brunes tirant
sur le vert foncé en certains endroits ou la terre se faisait moin avare. L’air était assez sec et aussi, éprouvai-je la désagréable
sensation d’avoir le nez en feux, le froid me brûlant les sinus. Je marchai depuis plus d’une heure quand un léger fumet de gibier
me chatouilla les narines. Curieux de découvrir d’ou pouvait provenir cette odeur, j'entrepri de la suivre.
Alors que je m’approchai, une grande forme noir ailée s’envola dans un croassement glacial, me faisant bondir de frayeur et tomber près
d'un visage figé dans la mort d’une expression d’horreur, les lèvres crispées, les pommettes saillantes et un oeil complètement révulsé,
alors qu’à la place de l’autre emporté par le charognard, grouillait une multitude de petites larves d’insectes profitant des
chaires tiédies par la putréfaction pour pondre et assurer à leur progéniture une nourriture a leur goût. Cette vision me
glaça le sang, et, dans un sursaut mal contrôlé, je me redressai, bousculant la tête de la petite fille sans vie qui bascula
lentement sur le côté, comme si la morte, mue par un incroyable effort tentait de fuir mon regard. De son orbite béant
suppuraient des humeures épaisses de pue et de sang caillé qui se déversaient sur l’herbe sèche, lui donnant une couleur
insupportable, suivit de la foule des petits vers qui y avaient trouvé refuge. Je senti mon estomac se serrer et
je me détournai pour vomir, éclaboussant mes chausses et le bas de ma vieille culotte usée.
Visiblement la petite avait été abusée. De son sexe encore presque imberbe avait coulé un fin filet de sang maintenant sec, qui lui
parcourait presque toute la longueur de la cuisse gauche aux veines saillantes, gonflées par la fermentation. Je lui donnai
à peine onze ans, ses petites couettes brunes semblent me narguer soulignant de façon perverse sa juvénilité et sa candeur.
Ecœuré, je replacai mon vieux sac de voyageur en cuir en travers de mes épaules grâce à sa bonne sangle solide, et,
tremblant, entrepri de regagner le sentier. Une pierre glissée dans ma chaussure lors de ma chute me déchira le talon droit,
me forçant à m’arrêter pour l’en extraire. Après deux bonnes heures de marche exténuante, j’entrais dans un petit
village ou chacune des maisons me parut bâtit avec les mêmes grosses pierres grises que celles du sentier, liées
entre elles par un mélange de chaux et de poix, verdit par les mousses y ayant élus domicile. J’avais déjà traversé
deux rues lorsque j’aperçus une auberge, arborant nonchalamment un écriteaux de bois grossier balancé par le vent,
sur lequel je pouvais deviner un dessin malmené par les intempéries représentant un corbeaux se repaissant du corps d’un rennes mort.
Je décidais d’y entrer, et poussais la lourde porte dont la poignée me fi l’effet d’une boule de neige étant donnée
la température de cette fin d’Automne. L’établissement me parru bien plus grand de l’extérieur. Devant moi se trouvait
une petite pièce faiblement éclairée par la lumière du jour qui pénnait à passer au travers de gros carreaux sales,
ainsi que quelques bougies disposées parcimonieusement sur chacune des quatre tables rondes qui l’encombraient,
autour desquelles des paysans crottés vidaient verre sur verre, ou mangeaient une épaisse pâte de haricots trop cuits dans
laquelle pataugaient de nombreux petits charançons bouillit, ce qui ne semblait pas affecter le plaisir de ces hommes outre mesure.
A droite, tout le long d’un mur noircis par les fourneaux, s’étalait un grand établis de bois maculé de tâches de
gros vin. Au mur, un impressionnant oiseau noir empaillé balayait toute l’étendue de la pièce de ses méchants yeux jaunes.
Juste en dessous, derrière le comptoir sombre, attendait, l’œil mauvais et rond – l’autre n’étant plus présent à la place
qu’il aurait dû occuper, maintenant envahi d’une épaisse croûte - un homme boursouflé, le teint rougi par les nombreuses
journées passées à absorber de l’alcool bon marché. Je ne pu m'empecher de remarquer ses joues attaquées par la petite
vérole sa peau craquelée en plusieurs endroit alors que sa lèvre inférieure épaisse se mettait à remuer de façon
extrêmement disgracieuse.
-« Qu’est ce que tu veux ?! »
-Un filet de bave coula lentement en une cascade défiant les lois de la gravitée, suivant à la perfection les courbes de ses
nombreux mentons.- L’homme en question n’était autre que le patron et unique employé de l’auberge. Il ne portait pas de nom à
proprement parler, mais répondait au sobriquet de « Gros ».
-« J’ pas qu' ça a foutre !! , me cracha-t-il au visage en même temps qu’un nuage de postillons mal odorants qui me pinca le
cœur, Qu’est qu' se sera ? »
Je commandai donc une assiette des haricots qui cuisaient dans la grosse gamelle rouillée derrière lui, puis l’informait de ma
récente découverte dans les Landes sèches à quelques kilomètres du village. L’homme me fixa de son gros œil unique, se boucha
la narine gauche en la pressant avec le pouce correspondant et éructa une épaisse déjection nasale qui alla se coller sur l’établit.
Ses lèvres se crispèrent dans un rictus, dévoilant une dent noircie par la pourriture.
Sa grosse langue râpeuse s’agita :
-« T’es comme qui dirait un fouille merde ! »
Je n’insistais pas et pris l’assiette de haricots qu’il me tendait, alors qu’une mouche malheureuse s’empêtrait dans les glaires
collées sur le bois. Une grosse main calleuse s’abatit en un bruit mat, écrasant le piège et sa victime malencontreuse tandis
que le gros oeil jaune de l'aubergiste me toisait d'un air de défit. Je compris que j'aurais mieux fait de garder pour moi
ce que j’avais à dire et tournais les talons – dont un douloureux - avec mon assiette qui dégageait une forte odeur de moisie
en quête d’une place où manger à mon aise. Je m’installais donc à la seule table déserte au fond de la salle.
La chaise etait simple, mais fatigué de ma longue marche, je la trouvait confortable malgré les quelques échardes qui me rentraient
dans le dos. La table quant à elle etait poussiéreuse. Je réussi assez facilement à la rendre convenable en l’essuyant avec un
pan de ma veste. La mixture dans l’assiette ne me semblait guère appétissante et je commençais à me demander s’il s’agissait bien
là de haricots ou d’une armée de limaces vertes prenant un bain de boue dans un des marrais les plus immondes de la région.
Toujours est-il que je me mis à la manger, lentement, triant les morceaux comestibles des insectes à l’aide d’une grossière
cuillère de bois que m’avait fourni le gros homme. J’aivais presque ingurgité la moitié de l’épaisse substance lorsqu’un
vieux paysans en sabot s’approcha de moi, titubant, s’arrêta à moins d’un mètre de ma chaise et se mit à uriner dans un gros
vase auquel je n’avais pas prêté attention, m’éclaboussant le bas du pantalon, puis, ayant fini, envoya valser machinalement
une dernière goutte qui, décrivant une parabole quasi-parfaite, atterri au beau milieu de mes haricots, me coupant net l’envie
de triompher de cette nourriture déjà peu engagente.
Je me levais et à cet instant, senti mon estomac se contracter, me laissant juste le temps de me pencher au dessus du vase plein
d’urine pour y laisser s’écouler une imposante gerbe d'humeures gastrique de ma bouche hélas trop étroite pour un tel
débit, de sorte que ma gorge étant saturée, le liquide força le passage de mes narines, alors que les larmes me montaient
aux yeux et me brouillaient la vue. Je compri, à cet instant, tandis que les rires gras des paysans se mêlaient en un odieux
vacarme qu’une désagréable odeur de vomissures m’accompagnerait durant les trois prochains jours au moins. Mais pour le moment,
j’entendai le maître de maison hurler joyeusement, ses énormes bajoues vibrants en écœurante osmose avec son énorme bedaine
a moitié dissimulée seulement par un vêtement trop court, laissant entrevoir une profusion de gros poils noirs et crasseux à
l’endroit même où aurait du se trouver un nombril. Je m’imaginai à cet instant cette infâme boule de suif se pissant sur les pieds,
la gigantesque masse graisseuse et molle de son ventre lui obstruant la vue. Alors que je reprennais mes esprits, je
l’entendi cracher à qui voulait l’entendre :
– «S’est trompé d’trou d' cul ! S’est trompé d’trou d' cul pour chier mes haricots le boiteux ! »
Tel fut le surnom dont il m’affubla, le reprenant toujours avec un plaisir non dissimulé.
Boiteux je l’étai, depuis quelques heures, à cause du caillou tranchant que je m’étai enfoncé dans le talon.
N’ayant pas le sous pour payer ma pitance, je rassemblai mon courage et me dirigeai vers l’obèse sous les esclaffements
joyeux des clients, pour lui proposer de travailler pour lui affin de m’assurer le gîte et le couvert, ce qu’il daigna accepter,
une lueur perverse dans son gros œil strié de veinules rouge vif qui me laissaient comprendre que les tâches auxquelles
je serai assignées seraient au moins assez dégradantes pour provoquer chez lui un émois presque palpable qui le faisait hoqueter
de rire une nouvelle fois, au prix de quelques gouttes de bave écumantes à la commissure des lèvres et à la formation d’une
monumentale bulle de mucus nasal qui éclata en un léger flop, seulement perceptible par des oreilles relativement proches du
phénomène, ce qui l'incita à une nouvelle crise de rire gras, le faisant baver plus que de raison. J’attendai stoïquement
qu’il reprenne le contrôle de ses émotions et osai lui demander après ma chambre. Il me toisa une nouvelle fois avec cet œil
qui allait me hanter jusqu’à la fin de mes jours puis me fit signe de le suivre.
L’aubergiste ouvri une porte – diamétralement opposée à celle que j’aivai emprunter pour entrer – qui donnait sur une petite
coure fermée, où face à nous – à un peu moins de dix mètres -, trônait un colossal tas de crottin dans lequel etait fichée une
fourche à la hampe tâchée de déjection animales. Le gros homme passa devant moi et suivit un petit chemin de pierre menant à
une porte encastrée dans un gros mur couvert de mousses et de lichens qui s’ouvrait sur une minuscule pièce humide ou règnait
une odeur âpre de fiente de poule
-« Vla ta chambre l' boiteux, dors bien ! »
Je répondi par l’affirmative, m’installant fourbu sur le tas de foin acculé au mur du fond. Le « Gros » se saisit d’une couverture
mitée et puante pendue à un petit crocher rouillé et me la jetta, puis sorti de la pièce en refermant la porte derrière lui.
Ma chambre etait plongée dans une quasi-obscurité, bien que le jour ne fusse pas encore totalement couché, ceci dû à l’absence
de fenêtre. Je m’accommodai aux odeurs désagréables et m’enroulai dans la couverture sale, trop fatigué pour me plaindre ou penser
à quoi que ce soit. Je me sentis sombrer dans sommeil profond et agréable, du moins je l’espèrai.
Ce ne fut pas le gros qui me réveilla, mais le ruissellement glacé d’une fuite dans le plafond juste au dessus de mon pied,
réveillant la douleur de ma blessure au talon. L’air était frais, mais encore supportable. Ma respiration formait de petits
nuages de condensation qui se dissipaient aussi vite qu’ils apparaissaient. Je me levai en hâte et courrai sous une pluie battante
jusqu’à la salle principale . l’aubergiste m’attendait derrière l’établit de chêne ou il comptait ses bouteilles d’alcool.
Mouillé jusqu’aux os et grelottant, j’acceptai volontiers une assiette chaude de purée de haricots qui cette fois-ci ne me
donna la nausée que durant une heure tandis que le gros homme plus rougeaud que jamais et puant encore le vin de la veille
m’informait des tâches qui m’attendaient tout en se grattant obscènement l’entrejambe.
-« T’auras p’têt même bien b'soin d’te foutre le feux aux veines avec un bon coup de décapant ajouta-t-il, d’autant qu’c’est
bien partit pour la journée c’te saleté d’pluie ! »
Décidément, cet homme ne savait pas parler autrement qu’en vous fixant de son gros œil jauni et en vous crachant au visage en hurlant.
Puis, avec un sourire entendu, il sorti une bouteille de sous son établit, m’expliquant fièrement qu’elle servait à décaper
le fond de la grosse marmite quand le reste de haricot etait trop pourri pour que les clients ne s’en aperçoivent pas.
Les tâches dont je devais m’occuper étaient simples, bien que peu agréables. Mon travail consistait à nourrire les trois
ânes logeant dans la pièce voisine a ce qui était ma chambre, à nettoyer le sol du crottin qu’ils répandaient un peu partout,
à déblayer la cours de l’énorme montagne de fumier ainsi que comme se plaisait à le dire le Gros, à « vider s t'e putain de pot à pisse »
que les clients saouls n’arrivaient pas à viser la plupart du temps .
Sur le conseil de l’aubergiste, je me pri plusieurs grandes lampées du fameux décapant avant de sortir sous la pluie qui
tombait encore plus fort. Le liquide me coula dans la gorge, me brûlant la langue et tout l’ésophage. Les effets ne se firent
pas attendre, je me dirigeai d’un pas léger vers l'abri des ânes, où, ayant perdus mes réflexes, dérapai dans un petit tas de
déjections ramollies et rendu glissantes par la pluie. Ma tête heurta violemment le sol et je m’évanouis.
Je me réveillai brusquement, effrayé par des hurlements inhumains, juste à temps pour voir l’aubergiste ivre mort riant à en
creuver, occupé à me pisser sur le visage.
Encore sous le coup du choc, je me redressai péniblement et courru en titubant vers ma chambre, poursuivi par les beuglements
de porc amusé du gros homme ayant perdu tout contrôle de lui même, qui déséquilibré par son énorme cul, se vautra dans la boue
et se mit à ronfler bruyamment.
Il ne pleuvait plus, le ciel s' était couvert d’un rideau d’étoiles qui semblait annoncer une nuit particulièrement froide.
Je me couchai donc sur l’épais tas de paille et m’endormi encore tremblant, blotti dans ma couverture, ne me souciant plus du gros
homme ivre dans sa marre de boue.
Au petit matin, alors que je m’extirpai péniblement d’un long sommeil, le parfums indéfinissable des fameux haricots en pleine
cuisson de mon hôte m’informa que le Gros n’avait pas trop souffert du froid cinglant de la nuit, ce qui ne me surprennai g
uère, étant donné l’épaisse armure de graisse dont-il etait enveloppé.
Je gagnai la grande salle, bien décidé à me rassasier d’un bon bol de haricots.
Le Gros m’accueilli avec une terrible symphonie de pets savamment distillée, ainsi que quelques jurons bien sentits qui me
firent tout de suite comprendre que la nuit passée dehors n’avait pas été pleinement agréable à l’aubergiste qui entreprenait
maintenant de se curer méticuleusement le nez tandis qu’il m’apportait ma ration de haricots avec ce matin, un petit morceau
de viande que je devinai être du lard, étant donné les petits bouts d’os blancs qui l’accompagnait. Je mâchai longuement la
chaire tendre, savourant cette surprise inattendue qui eu pour effet de me mettre de bonne humeur. De plus, il semblait que
l’alcool de la veille avait tellement brûler mon estomac que je ne ressenti aucune nausée à la fin de mon petit déjeuné assez
copieux pour tenir jusqu’au soir.
La journée se passa sans encombre, à vider la cours de son tas de crottin.
La semaine passa, et, je pri l’habitude de me coucher dès que les clients quittaient l’établissement pour éviter de tomber sur
l’aubergiste ivre mort qui faisait un raffus de tout les diables et grognait tout les soirs dans la pièce au dessus de ma chambre,
seulement séparé par un mince plancher de bois qui grinçait sous ses pas pesants.
Le seul événement changeant notre quotidien fût la visite d’une petite fille blonde qui ayant perdu son chat auquel elle semblait
vraiment tenir, questionnait tout les habitants de la rue.
Le lendemain, je l’aperçut par l’embrasure de la porte de la grande salle, alors que je travaillai dans la cours, demander au
gros homme, les yeux larmoyants, si par hasard il n’avait pas aperçu son petit chat gris pendant la nuit ou le matin même.
Attendri par tant de peine, je me promis de l’avertir aussitôt que je verrai la bête roder dans les parages. Fière de cette belle
et noble décision, je donnais un puissant coup de fourche dans le monticule de fumier.
Les dents d’aciers se fichèrent dans quelque chose de dure. Je grattai soigneusement le crottin par curiosité et en dégageait une
toute petite tête au regard félin. Pris de rage, je grattait les excréments de plus en plus frénétiquement, mon cœur près a se
retourner lorsqu’en sorti une poche de poils décomposée remplie de gros vers gesticulants, comme effrayés par la lumière du jour.
Je lâchai le chat de la gamine qui éclata sur le sol, éparpillant les grosses larves blanches, ainsi que des vicères quasiment liquéfiées.
La rage me pri, et je me lançai à la recherche de l’aubergiste. J’entrai en trombe dans la salle principale, tournant la tête
à gauche et à droite, ne retenant plus mon souffle.
Le salaud n’y etait pas, j’avisai un petit escalier derrière l’établit d’où descendaient des grognements réguliers semblables à
ceux que j’entendai chaque soirs dans ma chambre, venant du plafond. L’escalier montait en pente raide, j’accèdai à un long
corridor au bout duquel se dessinnait une vieille porte criblée de trous de vers. Je la poussai violemment et elle claqua
contre le mur dans un fracas assourdissant. Une odeur de chaire pourrie manqua de me faire défaillir, et, dans les brumes
aveuglantes de ma rage, je distinguai nettement le visage si doux, si enfantin de la petite fille au chat baillionnée, crispé
de douleur tandis que l’aubergiste la violait sauvagement, besognant de façon animale son petit corps à la peau si claire,
maculée de grandes coulées de sang chaux qui suppuraient des plaies pratiquées par deux gros clous qui la maintennait immobile
à une table en bois épais, secouée par les vas et viens du gros homme le pantalon sur les chevilles.
Je sentis alors l’adrénaline enflammer tout mon corps, poussant un horrible cri exprimant toute ma colère et mon dégoût,
je me ruai sur l’aubergiste, le propulsant sur le sol ou nous roulâmes, enlacés dans une étreinte grotesque, tandis que
son gros sexe excité, expulsait le fruit chaud de sa jouissance sur le haut de mon pantalon. J’entourai son large cou gluant
de sueur de mes mains sales et serrai de toute mes forces, le faisant baver alors qu’il enfonçait lentement son pouce dans mon orbite
gauche le recouvrant de sang. La douleur se faisait presque insupportable. Me débattant comme un démon, je lâchai prise et agrippai
son oreille droite avec mes dents qui la sectionnèrent net, lui arrachant un hurlement de douleur. Un goût amer de cérumen
m' emplit la bouche. L’aubergiste me plaqua au sol, je lui assènai un violent coup de pied dans les testicules, réouvrant
ma plaie infectée. Son visage se crispa, et surmontant la souffrance qui lui envahissait l’entrejambe, il se saisit d’un vieux
hachoir de boucher rouillé et alla l'abatre avec force sur mon poignet gauche. La douleur fut cinglante, la chaire se coupa et
les os craquèrent dans un bruit sec.
J’eu juste le temps de voir ma main sur le sol, trembler de quelques spasmes nerveux.
Alors que je me sentai partir, mes yeux fixaient le plafond où je distinguai tout autour de nous dans une brume nauséeuse,
une dizaine de fillettes, les épaules déchirés par de gros crochets à viande se balancer en un ballet macabre. Petit à petit,
ma conscience m’abandonna, et un grand voile noir se tendi devant mes yeux.
Je n’entendai plus le rire fous de l’aubergiste, je ne sentai plus la douleur qui me déchirait le poignet, je ne …
L’arbre était imposant, sans feuilles, de ses épaisses branches noires et tortueuse, pendaient semblables à de gros fruits trop mûrs,
des dizaines de corps d’enfants mutilés parmi lesquels, je reconnaissai la fillette aux couettes brunes, agitées par un vent
glacial. Un gros corbeau lui avait déjà dévorer le nez et les paupières, lui donnant un regard dément. Sa joue gauche etait
arrachée, et alors qu’elle tournait obscènement dans l’air brumeux, je distinguai une rangée de dents blanches plantées dans une
gencive décomposée, d’où sortaient par de petites cavités pratiquées dans la chaire brunie, de nombreux vers qui tombaient en
une pluie fine et odorante.
L’herbe fraîche et humide etait agréable sous mes pieds nus. Je dansai d’un pas léger, étreignant la petite fille au chat dans
une valse féerique, ponctuée de notes cristallines sous la pluie de vers. Je ne pensai plus à rien et me laissai guider par le
battement des tambours invisibles et la mélodie des violons.
Nous dansions.
Nous dansions et les vers continuaient de pleuvoir sur nos corps enlacés, se glissant sous nos vêtements, provoquant une sensation
froide et humide contre la peau.
La douce musique des violons se mua peu à peu en un miaulement de chat à l’agonie. Un frisson traversa ma chaire, mes poils se
hérissèrent un par un alors que je baissai les yeux sur la tête qui se balançait mollement du cadavre couvert d’hématomes que je
repoussai violemment et laissai tomber dans l’herbe.
Je distinguai une grosse silhouette fondue dans le brouillard poussant des grognement réguliers, de plus en plus intenses au fur
et à mesure qu’elle s’approchait. Un gros œil jaune perça la grisaille, et je pus distinguer l’aubergiste, plus boursouflé encore
en train de se masturber dans l’orbite vide de la dépouille d'une enfant.
-« Debout l'boiteux, debout ! »
Je senti une douce chaleur me caresser les orteils, la brume se dissipa et je me réveilai en sursaut alors que le gros homme, la moitié
du visage recouverte de sang séché me pissait sur les pieds en rigolant. Une forme clair me heurta le visage et chua sur
la paille qui me servait de lit depuis mon arrivée.
L’aubergiste referma la porte à l'aide d’un gros cadenas en me hurlant « Tu vas crever l’boiteux, tu vas crever ! »
Je me retrouvai seul dans la semis-obscurité de ma chambre, me tournant vers l’objet qui avait relancer la douleur de mon œil
enfoncé. Je ramassai un morceau de chaire froide et regardai pétrifié ma main tranchée par le hachoir, bleuie par la mort ...
je la serrai contre ma poitrine en pleurant.
Trois jours passèrent, et me virent prostré sur le tas de paille, emmitouflé dans la couverture.
Mon poignet tranché me faisait mal. D’abord, une fine couche de moisissure que je m’efforçai de gratter essaya d’envahir
le moignon, puis, c’est la chair elle même qui commença à noircir. La gangrène gagnait du terrain, elle se propagerait jusqu’à
l’épaule si je ne l’amputai pas assez tôt.
Le matin du quatrième jour, mon geôlier me jetta un gros bout de viande que je me refusai à manger, me doutant de sa provenance.
Par bonheur, la fuite dans le plafond réussit a subvenir tant bien que mal à mon besoin d’eau.
Le pincement de la faim gagnait mon estomac, alors que la viande commençait à sentir malgré le froid. Encore quelques
jours sans manger et il en serait fini de moi.
Je m’endormai chaque soirs sous les grognements réguliers de l’aubergiste qui prennait un plaisir certain à me faire savoir
que ses activités infâmes avaient repris. Je me bouchai les oreilles, attendant que le sommeil m’emporte, loin de cette prison
de pierres, espérant ne plus jamais me réveiller.
Au huitième jour, la douleur se faisait insupportable, je n’en pouvait plus. Ma raison m’avait pratiquement abandonnée,
des hallucinations sans cesse plus cauchemardesques m’assaillaient jours et nuits. Il faisait froid, très froid. La fièvre fit
son oeuvre et je m’évanouissai encore trois jours durant.
A mon réveil, cela faisait près de onze jours que je n’avai rien avalé. Le gros morceau de viande me tendai les bras,
luttant contre ma conscience, je me jettai dessus, croquant à pleines dents, arrachant de gros lambeaux bruns qui me firent un bien fou.
L’aubergiste se mit à me rendre des visites tout les jours pour me tourmenter, j' étai trop faible pour résister et me jeter sur lui.
Un matin, il déposa un cadavre dans ma cellule. La cohabitation s’avéra difficilement supportable. Le corps restait là, immobile,
sans vie et imperturbable, me rappelant à chaque réveil ma condition.
Je cru le voir remuer, mais peut-être était-ce mes hallucinations.
Au milieu de l’après-midi du vingtième jour, le corps se mit à bouger, je l'aurai juré !
La tête tomba lourdement sur le coté, alors que l’épaule se détachai lentement dans un bruit de succion. Le membre pourri frappa
le sol, étalant un flot de pu et d’insectes qui s’enfuirent dans toutes les directions.
Je reculai contre le mur en hurlant, l’œil exorbité, plaquant dans un mouvement de frayeur, ma main valide sur mon visage que
je me mi a griffer, mes ongles arrachant des lambeaux de peau.
J’entendai le gros rire de l’aubergiste qui approchait lourdement pour se repaître du spectacle. La porte s’ouvri et je pus le
voir, riant à en crever, des morceaux de haricots séchés, collés sur son gros ventre.
Je pus distinguer des ombres furtives passer dans la cours. Soudainement trois grands loups affamés se jettèrent sur lui,
le faisant tomber à la renverse et lui dévorèrent les jambes, tandis qu’il poussait des cris stridents de porc qu’on égorge.
Je sautai sur l’occasion inespérée et me jettai dehors en courrant. J’attrapai un grand manteau de cuir accroché sous l’abris
à bois, devant l’enclôt des ânes et m’enfui par le portail rouillé qui avait cédé à l’assaut des loups affamés.
Mon talon qui ne voulait pas cicatriser se déchira à nouveau, répandant une traînée chaude de sang sur la neige fraîche.
En regardant par dessus mon épaule je vi le gros aubergiste, traînant le haut de son corps sanguinolent séparé de ses jambes
vers la porte de la salle principale qu’il réussit à atteindre et à refermer derrière lui, laissant une longue trace rouge sur le sol.
Je courrai à perdre haleine, traînant ma jambe douloureuse comme un fardeau encombrant.
Les Landes étaient couvertes de neige d’une blancheur éclatante sous une lune ronde, tachant le ciel étoilé de sa lueur presque
aveuglante. Le vent sifflai dans mes oreilles, soulevant mon long manteau par à-coups. Mes tempes me faisaient mal, le hululement
d’une chouette à proximité, m’informa qu’aucun loup n’était sur ma piste. Je courrai de façon chaloupeuse, tenant serré contre
moi les pants du vêtement qui protégeaient mon corps de la morsure glaciale de l’hiver.
Au bout d’une heure d’une course sans but, je m’écroulai à genou, pleurant de rire et de fatigue, hurlant à la lune
ma victoire sur le gros homme abjecte. Je serrai les dents de satisfaction en l’imaginant, plus qu’une infâme moitié
d’être humain, terminant ses jours à se chier et se pisser dessus dans son auberge crasseuse.
Je n’allai pas en rester là, j’aurai ma revanche, une revanche cinglante dont il ne pourrait se remettre.
Exténué, mes forces me quittèrent peu à peu, et je m’endormai dans une clairière, bercé par les sifflements du vent
dans les branches et le chant des chouettes veillant sur moi.
Poussant un croassement strident, je prennais mon envol d’un petit bond, débarrassant mes ailes noirs d’une fine pellicule de neige fraîche.
Les arbres sans feuilles défilaient sous moi à une vitesse folle.
Sur l’horizon, séparant la terre et le ciel, se découpaient les frondaisons d’une forêt qui s’étendait à perte de vu. Le sol
que je distinguais entre les branche entremêlées etait d’une blancheur immaculée et d’une beauté sans pareilles.
Je distinguais une tâche sombre au milieu d’une petite clairière et freinais mon vol brusquement, gagnant le sol dans un
battement d’ailes. Un cerf mort de froid etait allongé sur un tapis de neige et j’entamais sa chaire de mon bec noir, arrachant
de petits morceaux de la dépouille que j’avalais sans mâcher.
Le spectacle me sembla grandiose, un rayon de soleil gorgé d’une chaleur agréable me caressa les yeux, me ramenant doucement à
une réalité que j’eu préféré fuir.
La gangrène gagnait mon coude, et deux gros corbeaux d’un noir de jais dégustaient avec emphase la chaire pourrie de mon
avant-bras, dévoilant l’os en plusieurs endroits. De mon unique main, je chassais les charognards, puis me redressais pour
m’affaler aussi tôt dans la neige.
Je ne sentais plus mon pied blessé qui avait gelé pendant la nuit, arborant une teinte mauve striée de veinules bleutées.
Une nuit supplémentaire me serait fatale et une meute de loups feulait deja quelque part derrière les arbres.
Je cassais donc une bonne branche, m’en faisant un bâton pour m’appuyer et entamais une longue et pénible marche vers le village.
Le ciel se couvrait d’une épaisse couche de nuages blanc, une petite neige fine se mit à tomber, gelant les articulations
blanchies de ma main crispée sur le bâton qui me maintennait debout, cinglant mon œil mis clos qui tentait désespérément
de percer la brume matinale qui enveloppait deja les sous-bois.
Je n’y voyais pas à plus de dix mètres, sentant presque l’haleine rauque de la meute sur ma nuque découverte. En chemin,
je croisais un oiseau mort, le corps durcit par le froid, gelé en un totem morbide, semblant prévenir les voyageurs des instincts
meurtriers du vent.
Chacun de mes pas s’enfonçais dans l’épaisse couche blanche avec un crépitement moelleux.
Je m’arrêtais plusieurs fois pour manger une poignée de neige et me reposer un moment, si bien que la nuit commençait à
tomber mollement, assombrissant le ciel, puis embrasant l’horizon. L’espace d’un instant, on pouvait distinguer une fine bande
ardente et sans nuage.
J’atteignais les Landes desséchées, enveloppées d’une noirceur d’encre. Seules les lueurs orangées des fenêtres du village
au loin m’indiquaient que je me dirigeais dans la bonne direction. Tournant la tête à l’égard de mes poursuivants qui attendaient
patiemment que je m’écroule de fatigue pour me dévorer, je pouvais deviner une demi douzaine de paires d’yeux brillants dans
l’obscurité ambiante, glaçant l’atmosphère de leurs mauvaises intentions, gardant leurs distance, sachant que tôt ou tard,
ils finiraient par m’avoir.
Je marchai encore une bonne heure au devant de la meute, les cheveux couverts de givre, avant d’atteindre la lourde grille
rouillée de l’auberge. la cours etait enneigée, le tas de crottin entièrement gelé, les trois ânes avaient étés tirés hors
de leur écurie pour être dévorés vivants.
Une petite bosse m’intrigua sous la neige, à l’endroit ou l’aubergiste avait été attaqué. Du bout de mon bâton, je retournais
le pied du gros homme encore fiché dans sa chaussure, le ramassais et le lançais en crachant des injonctions à mes poursuivants
qui s’immobilisèrent, dévoilant leurs crocs acérés alors qu’ils passaient discrètement, un à un, au travers de la grosse grille.
Je gagnais l’intérieur de la salle principale abandonnée. Il y règnais une froideur pénétrante. Le ciel se dégageait doucement,
un rayon de lune traversa une des fenêtre pour venir lécher l’œil du gros oiseau empaillé au dessus du comptoir.
Mon cœur se mit à battre dans ma poitrine lorsque je me dirigeais vers l’escalier.
Je percevais des pas légers et inquiétants dans mon dos. Ils me suivaient, je saivais qu’ils me suivaient.
D’en haut, me parvinrent des gémissements de douleur.
Les marches étaient tâchées de sang. Je les gravissais péniblement, mon bâton jouant une note creuse sur le bois des marches à
chacun de mes pas, suivit d’un grincement propre à cet escalier détestable.
Le long couloir du haut était plongé dans une torpeur glauque. Un rai de timide clarté provenant de l’embrasure d’une porte
fendi le sol sale. Je poussai lentement le battant de bois qui grinça faiblement sur ses gonds usés et restai immobile un long
instant dans son embrasure, ma silhouette hirsute et bancale se découpant dans la lumière bleutée.
Le pelage des loups frottait contre les murs du corridor étroit dans un bruissement silencieux. Je les sentais qui approchaient
avec la discrétion effrayante et implacable des prédateurs.
Devant moi, se dressait un grand lit de bois, d’où suintaient des gémissements de souffrance. Une grosse lune ronde
commençait à poindre à la fenêtre sur ma gauche, plongeant la chambre dans une obscure clarté, dévoilant le visage en sueur de
l’aubergiste, blottit dans des couvertures sur lesquelles s’etait diffusée une large tâche de sang. Dans un dernier effort,
je sautai à califourchon sur l’homme qui me regarda, frappé de terreur et me mi à lui cogner la tête de façon obscène contre le
bois du sommier, lui défonçant le crâne alors que nos cris de douleur et de haine se mêlèrent odieusement en une cacophonie
indescriptible. Un étaux puissant se referma sur mon talon, alors qu’on me dévorait le mollet à grands coup de dents.
Mon pied fut arraché violemment, je sentai un cris déchirant me monter dans la gorge alors que je continuai de fracasser
hystériquement le crâne totalement défoncé de l’aubergiste, qui, prit de spasmes nerveux, se mit à vomir de petites quantités
de sang. Mon dos fut lacéré d’un violent coup de griffe, ma jambe droite cèda sous les crocs des loups, se disloquant au
niveau de la rotule. Le cou du gros homme se brisa, je martèlai en hurlant son visage de mon avant bras pourri. Son œil
se déforma, son nez céda dans un bruit écœurant et sa mâchoire se disloqua tandis qu’on me mordai à la gorge. Les larmes
envahirent mes yeux, un loup emporta mon unique main , la douleur me fit hurler une dernière fois, puis, des crocs
tranchants se mirent à fouiller la chaire de mon ventre. Mon sang se répandi. Une douce sensation de chaleur m’envahi.
Ma poitrine cessa de se soulever, alors que la vie s’échappait lentement de mon corps qui se contractait sur la masse informe
de l'aubergiste, mon visage embrassant le méat de son crâne suintant ses humeurs graisseuses.
Nous unissant dans la mort en un tableau morbide, ainsi que des amants . . .
La douleur n’existe plus
La lune est pleine et belle
Un épais manteau de neige recouvre le sol, d’un bond, je m’envol, déployant mes grandes ailes noirs, planant doucement au
dessus d’une forêt sans feuilles, me dirigeant imperturbablement vers les cimes se découpant majestueusement sur l’horizon…